Israël : Pourquoi l’État juif suscite-t-il une haine inextinguible ? Par Dora Marrache
Israël : Pourquoi l’État juif suscite-t-il une haine inextinguible ? Par Dora Marrache
CHRONIQUE
« J’ai assez vécu pour voir que différence engendre haine » (Stendhal)
Israël : Un État qui, à première vue, ressemble à beaucoup d’autres : un chef d’État, un drapeau, un hymne national, une armée et des citoyens qui ressemblent à s’y méprendre à tous les citoyens du monde. Mais il n’est pas un État comme les autres :
c’est un État qui suscite la haine !
Dire qu’Israël est victime de harcèlement de la part de ses voisins et d’un nombre sans cesse croissant d’États dont il est devenu le bouc émissaire revient à enfoncer des portes ouvertes.
Qu’on déteste un État qui agresse ses voisins, qui les provoque sans cesse, qui viole leurs lois, cela se comprend aisément. Mais qu’on voue une haine farouche à un État qui ne demande que le droit de vivre en paix peut sembler aberrant. C’est pourtant le cas de l’État juif qui sert de bouc émissaire, victime d’une haine sans merci de la part, entre autres, des Palestiniens et de leur chef Abou Mazen.
Pourquoi cette haine ? À ce sujet, il me semble intéressant de s’arrêter à la relation qu’entretient Abbas avec Israël.
Par sa haine d’Israël, par ses attaques répétées contre Israël, par son double discours, par ses mensonges, par son besoin de s’accaparer l’Histoire juive, Abbas présente de nombreuses caractéristique attribuées à ceux que les psychanalystes appellent des « pervers narcissiques manipulateurs » (PNM).
La haine de l’autre en est une. En effet, les psychanalystes nous apprennent que les pervers narcissiques ont besoin de haïr pour se sentir exister, que leur relation à l’autre est « perverse », car il s’agit d’une relation teintée d’ambivalence dans laquelle se mêlent admiration et jalousie.
Dans une relation perverse, le pervers hait la singularité de l’autre parce qu’il en est dépourvu, parce qu’il la voit comme un plus qu’il aimerait avoir, parce que cette singularité lui fait ombrage. Ce qui génère un sentiment d’infériorité et attise la haine, donc la violence.
En quoi consiste donc cette singularité ? En un certain nombre de « caractéristiques victimaires » que le philosophe Girard définit comme étant « des caractéristiques a-normales possédées par un groupe au sein d’une société ».
« Les caractéristiques victimaires » d’Israël
1 – Un peuple ambivalent caractérisé par une double quête : la tentation d’être comme les autres, d’effacer la différence – tentation qui remonte à l’époque de Samuel quand les Hébreux crièrent au prophète : « Nous voulons être comme les autres » – mais, en même temps, le désir de demeurer différent des autres, parce que cette différence est précieuse.
Ce désir d’être le même et un autre fait du peuple juif un peuple différent des autres peuples. Ainsi, il connaît, par exemple, la fierté d’être le peuple élu, de compter un grand nombre de chercheurs et, en même temps, il éprouve gêne et regrets devant la situation de ses ennemis. Il est incapable de savourer sa victoire sans éprouver en même temps un sentiment de honte. A-t-on jamais vu un peuple remporter une victoire écrasante contre ses ennemis et demander la paix ? C’est pourtant ce qu’ont fait les Israéliens en 67, après la Guerre des Six jours.
Comment ne pas envier ces hommes qui, tout en revendiquant leur identité, tout en la préservant jalousement, aspirent également à être autres que ce qu’ils sont, donc à se dépasser ? Mais en même temps comment ne pas les détester quand ils proposent un modèle d’homme difficile à atteindre ? Le Juif, parce qu’il réussit à réaliser ce souhait commun à tous les êtres humains, présente donc une des caractéristiques des victimes des pervers.
2 – Un peuple de « révolutionnaires » à l’origine de véritables révolutions telles que le monothéisme, le communisme, le capitalisme. En ce sens, le peuple juif a quelque chose de subversif qui suscite l’admiration et l’envie. Même la Déclaration des droits de l’homme est inspirée de l’Ancien Testament, du commandement « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ».
3 – Un peuple capable de « rebondir », une caractéristique qui semble unique au peuple juif. Sans cette capacité de résilience, on parlerait des Juifs aujourd’hui comme on parle des Mayas ou des Aztèques. « Lorsque au cours de la Seconde Guerre mondiale, écrit Joseph Farah, l’île de Malte a passé trois années terribles de bombardement et de destruction, elle a reçu à juste titre, la médaille George pour sa bravoure, et aujourd’hui, on devrait décerner une décoration similaire à Israël pour défendre la démocratie, la tolérance et les valeurs occidentales contre un meurtrier assaut qui a duré vingt fois plus longtemps. »
Le peuple juif a survécu malgré toutes les persécutions qui jalonnent son histoire. Certains vous diront que c’est grâce à la persécution. Je crois plutôt que c’est au judaïsme qu’il doit sa survivance.
4 – Un peuple d’une vitalité remarquable qui a transformé le désert en un jardin d’Eden, suscitant par le fait même, comme dans toute relation perverse, la jalousie de ses voisins. Un État qui a essuyé pas moins de 4 guerres en 50 ans et qui a réussi à les gagner toutes. Un État dont l’économie est riche, et dont les recherches technologiques et scientifiques ont permis de sauver la vie de millions d’individus à travers le monde. Un peuple dont Churchill avait dit en 1920 :« Bien qu’ils constituent moins de la moitié de un pour cent de la population mondiale, entre 1901 et 1950 les juifs ont remporté 14% de tous les Prix Nobel de littérature et des sciences, (et entre 1951 et 2000 les Juifs ont remporté 32% des Prix Nobel de médecine, 32% de physique, 39% de l’économie et 29% pour la science). Ce, en dépit de tant de leurs plus grands esprits qui sont morts dans les chambres à gaz. »
5 – Une histoire jalonnée de tragédies Évidemment, à nos yeux, la condition de victime du peuple juif n’a rien d’enviable, mais les autres peuples considèrent que cette histoire lui confère un certain prestige. C’est un peu comme si la guerre, de par la douleur qu’elle génère, a permis au peuple juif d’acquérir une certaine dignité, un peu comme s’il fallait connaître la souffrance pour mériter le nom d’Homme.
6 – Un État démocratique, la démocratie par excellence, pourrait-on dire, et ce dans une région d’États totalitaires. Une démocratie avec un Parlement où siègent des députés arabes, où dans les tribunaux, incluant la Cour suprême, siègent des juges arabes.
Une démocratie où les Arabes israéliens, malgré leur opposition farouche à l’existence d’Israël, jouissent des mêmes droits que les Israéliens.
Une démocratie, comme il en existe peu, avec un gouvernement qui admet la critique, laquelle est parfois d’une virulence inqualifiable, même s’il donne le meilleur de lui-même, même s’il a un sens aigu des responsabilités et qu’il veut ce qu’il y a de mieux pour ses citoyens, c’est-à-dire une paix définitive.
7 – Un État qui se veut exemplaire et dont on attend qu’il le soit. Bien sûr, on nous objectera qu’il ne l’est pas toujours. Et pourquoi le serait-il ? Pourquoi cette exigence ? Pourquoi ce qu’on permet aux autres nations lui serait-il interdit ? Bien des pays ont chassé de chez eux des milliers d’habitants sans même que le reste de la planète en entende parler : la Turquie, entre autres, a chassé un million de Grecs. On n’exige d’aucun pays qu’il reprenne ses réfugiés, sauf de l’État d’Israël.
Existe-t-il un pays qui s’évertue autant qu’Israël à tout mettre en œuvre pour éviter que ne pèsent sur lui des blâmes ? L’État d’Israël est très vulnérable aux jugements et aux critiques que porte sur lui la communauté internationale, ce qui l’amène à toujours vouloir se justifier, à ne jamais contre-attaquer rapidement. Comme toute victime de harcèlement, Israël ne se défend qu’après coup. Ainsi, après le reportage de Charles Enderlin sur l’Affaire Al-Dura, Israël a accepté, des années durant, les accusations qu’on a fait peser sur Tsahal. Ce n’est que bien longtemps après, au vu de toutes les preuves collectées par Philippe Karsenty, que le gouvernement israélien a pris position et reconnu que le reportage de Charles Enderlin était un montage.
Certes, cette sensibilité à l’opinion publique occidentale s’est émoussée depuis la fin des années quatre-vingt-dix, non pas parce qu’Israël se sentait soutenu par les États-Unis, mais bien parce que la multiplicité des condamnations de l’ONU frisait le ridicule.
Toutefois, les Juifs antisionistes, toujours soucieux de l’image qu’ils donnent aux ennemis d’Israël, participent à la diabolisation d’Israël et donc à une augmentation de la violence. En effet, en se montrant solidaires des ennemis d’Israël, ils sont perçus par leurs agresseurs comme supérieurs, ce qui a pour effet d’accroître la haine. Pis encore : le désir de paix des intellectuels juifs est même interprété par beaucoup d’antisémites comme le désir d’écraser les populations pour que le peuple juif puisse enfin être reconnu comme « le Peuple élu ».
Conclusion : La haine des Palestiniens vis-à-vis d’Israël n’a qu’une seule explication : la singularité du peuple juif et de son pays. Et l’État juif devient alors objet de désir. Et il en sera ainsi jusqu’à la fin des temps.
En réalité, on en veut à Israël non pas pour ce qu’il fait, ni même pour ce qu’il a, on lui en veut pour ce qu’il est, à savoir un État juif avec des caractéristiques bien à lui: c’est là la raison de la détestation d’Israël.
Les Arabes ne convoitent pas réellement ce tout petit territoire, ils convoitent l’âme de son peuple. Ils sont persuadés qu’une fois qu’ils auront éliminé ce groupe et pris possession de sa Terre, tous leurs maux disparaîtront. Ils auront alors réalisé leur rêve le plus cher : devenir l’alter ego du peuple juif. C’est là que se situe le noeud du conflit qui les oppose à Israël, c’est là qu’il faut voir la source de cette haine inqualifiable.
Certes ce n’est pas la première fois, et ce ne sera certainement pas la dernière, qu’on aspire à éliminer le peuple juif. Et sa façon de se défendre se résume en un mot: RÉSISTER! « Je plie, mais ne romps pas», tel est le message qu’il envoie. On peut vouloir le supprimer, mais même s’il est coincé avec pour seule issue la mer, il tient bon. Il n’a d’autre choix que la résistance à l’ennemi grâce à son armée hors-pair qui veille sur lui et sur sa terre.
© Dora Marrache pour Europe-Israël